Le 10 juin a eu lieu à l’Université Quisqueya un Forum consacré à la santé organisé par des spécialistes de médecine préventive qui ont créé un réseau de « Clubs d’éducation à la santé pour une prévention active » (CESPA). Le mot d’ordre était « Prenez votre santé en mains ! ». L’initiative en revient au Professeur Jean-Claude Magny, qui a effectué une grande partie de sa carrière professionnelle à l’Université du Québec (UQUAM) et dans une clinique à Montréal. Le CESPA est implanté dans plusieurs pays, au Canada, en France, en Suisse et en Haïti.
Haïtien d’origine, Jean-Claude Magny est venu en janvier 2016 à la Faculté des Sciences de la Santé de l’UniQ où il a présenté le projet de former des professionnels qualifiés pouvant proposer un accompagnement en éducation à la santé. Son idée a séduit, parce qu’elle répond à un véritable besoin. Elle a débouché cette année sur une convention de partenariat entre l’Université Quisqueya et le réseau CESPA, signée le 23 avril dernier par le Recteur. Le Forum était la première concrétisation de la convention de partenariat.
Nous reproduisons ici le texte du Professeur Magny rédigé en introduction du Forum.
« Nombreuses sont les cultures dans lesquelles on engage ou clôt une conversation en s’enquérant de la santé de son interlocuteur ou en lui souhaitant de bien se porter. « Kouman ou yé ? » en créole, « Comment allez-vous ? » en français, « How are you ? » en anglais, « Como esta usted ? » en espagnol. De même, dans de nombreux pays africains, il convient avant d’aborder tout autre sujet, de prendre des nouvelles de la santé de la famille.
Rien d’étonnant lorsqu’on sait que le mot « saluer » vient du latin «salus» qui veut dire santé. Cette manière d’entrer en contact met bien en évidence l’importance que l’on accorde à la santé dans notre existence. Il s’agit d’un bien précieux non renouvelable dont il faut savoir savoir prendre soin pour le préserver, l’entretenir ou le recouvrer.
Comme l’a défini l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), « La santé est un état complet de bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.» S’agit-il d’une conception utopique de la santé ? Est-ce une fatalité, un déterminisme ou une finalité incontournable ? Est-ce un état dynamique ou un état stable de santé optimale ou de parfaite santé ?
La population est-elle devenue trop dépendante d’un système qui repose trop sur les soins à une «assurance» maladies et non sur la prévention et les facteurs de santé? Pourquoi le système de santé peine-t-il à satisfaire à la demande de soins qui est en perpétuelle croissance et à un coût exponentiel ? Le système de santé responsabilise-t-il assez l’individu pour lui rendre imputable de SON état de santé ? Encourage-t-il par une démarche d’autonomisation à prendre en main certains des déterminants de la santé ? Quels sont les moyens qui sont mis à la disposition des individus, des groupes ou autres organisations qui désirent prendre LEUR santé en main ?
Voilà autant des questions et bien d’autres qui feront l’objet des débats lors de ce forum. Au nom du réseau international CESPA, je vous souhaite une journée d’échange et de partage qui, je suis assuré, contribuera à améliorer votre capital santé ».
Extrait des propos de bienvenue d’Alain Sauval
« Je remercie Mme Marie-Claude Rivière avec laquelle j’ai été en contact régulier pour la préparation matérielle de l’évènement. Nous avons eu une très bonne collaboration. Plusieurs services de l’Université ont été mobilisés pour contribuer au bon fonctionnement du Forum : le Vice-Rectorat aux affaires administratives, le Service de la logistique, la Direction des Technologies de l’information et de la communication, et le Service de communication de l’Université. Qu’ils en soient vivement remerciés.
« Prendre sa santé en mains » est devenu aujourd’hui un impératif, en raison de tous les trafics concernant les aliments, de toutes les entreprises de conditionnement et de manipulation du consommateur, notamment par la publicité, en raison des rythmes de travail imposés par les entreprises, de la sédentarité croissante liée au travail salarié dans les bureaux, des conséquences humaines de la recherche effrénée de productivité, et enfin compte tenu de la dégradation de l’environnement, source de maux pour les populations.
C’est autour de ce que le réseau CESPA appelle « les quatre piliers de la santé » : alimentation, gestion du stress, activité physique et sauvegarde de l’environnement, que vos échanges vont aujourd’hui s’organiser en partant du principe que nous avons tous le pouvoir, sinon le devoir, de transformer en nous et autour de nous le négatif en positif pour rester en bonne santé. Tant au niveau individuel qu’au niveau collectif.
Comme l’indique le Dre Bernadette Fouché, Vice-Doyenne à la Faculté des Sciences de la Santé de l’UniQ, les professionnels de la santé sont censés être des professionnels de santé, et non de maladie! Or, la gestion des maladies est malheureusement le lot quotidien de la plupart des professionnels de santé !
Il importe donc de revenir à une évidence fondamentale qui est celle-ci : c’est en agissant sur les déterminants de la santé, en faisant de la prévention (surtout primaire), que l’on peut lutter efficacement contre les risques de maladie. Les Anciens définissaient l’idéal de l’éducation en utilisant la formule latine « Mens sana in corpore sano » (10ème satire de Juvenal), que l’on peut traduire par : « Un esprit sain dans un corps sain ». 17
Cette nouvelle manière de penser la santé et la médecine permet de préserver et de mieux exploiter le capital santé dont chacun d’entre nous dispose dès sa naissance. Nous pouvons tendre ainsi vers cet « état de complet bien-être physique, mental et social » et prévenir bon nombre d’atteintes corporelles, psychologiques ou mentales nécessitant des traitements coûteux à la fois pour l’individu et pour la société. Plus que jamais, l’adage « Mieux vaut prévenir que guérir ! » est d’actualité.
Surtout dans un pays comme Haïti qui est confronté à une multitude de maux, parmi lesquels la pauvreté et la malnutrition qui touchent toutes les tranches d’âge, l’absence de contrôle sur ce qui se vend, un système de santé défaillant, une insécurité généralisée qui menace l’intégrité physique et morale des personnes (insécurité politique, sociale, financière), l’inexistence d’un régime social général de prise en charge des maladies, une précarité permanente dans le milieu professionnel, dans l’environnement, l’absence de loisirs sains, le manque d’espaces verts, la fameuse résilience des Haïtiens, que j’appellerais dans ce cas la résignation, le manque de conscience citoyenne, le défaitisme dû à l’absence de moyens, sans parler de la perte des valeurs, de l’absence de probité et d’engagement citoyen…
Le tableau est sombre et l’on pourrait continuer à l’assombrir par toutes sortes de considérations. Il est préférable de retenir une fois pour toutes que la solution est simple : « Le meilleur médicament, c’est vous ». Il est impératif de sortir de la spirale du découragement et de l’abandon aux forces destructrices qui sont à l’oeuvre dans le pays, où l’Etat est faible, où prévaut la loi du plus fort et où la société civile - peu organisée et manquant de moyens – est relativement impuissante.
Le Forum du Réseau CESPA est une incitation forte à sortir du cercle vicieux du non-développement et de l’impuissance et est un appel à un sursaut de conscience des citoyens. Son message est un message d’espoir, oui, il est possible par des moyens simples de rester en bonne santé, oui, il est possible d’aider son prochain à rester en bonne santé, à condition toutefois de respecter un certain nombre de principes fondamentaux qui vont être rappelés au cours de cette journée.
C’est donc avec une grande attente par rapport à votre programme que j’ouvre - au nom du Recteur - ce Forum et que je profite de l’occasion pour vous annoncer que la FSSA envisage dans un futur proche d’intégrer l'option Nutrition (voire "bien-être" : promotion de la Santé/Education) dans son programme de maîtrise. C’est la contribution de l’UniQ à l’initiative que vous avez prise, cher Professeur Magny, chère Madame Rivière, chers conférenciers et chers exposants.
Je vous remercie de votre attention ».
Alain Sauval - Directeur de l'Unité de communication de l'UniQ