Femmes, science et gouvernance universitaire : le récit de l’Association Haïtienne « Femmes, Science et Technologie »

Depuis la genèse de l’Université Quisqueya (UniQ), les femmes sont toujours présentes dans la gouvernance de cette institution. Elles ont occupé des postes de responsabilité comme doyenne de faculté, secrétaire générale, vice-rectrice, directrice de laboratoire de recherche, coordonnatrice d’axes de recherche, responsable de formation doctorale, etc. Le binôme « femmes et science » et l’excellence académique semblent être les principales valeurs de l’Université Quisqueya.

Le Laboratoire de Qualité de l’Eau et de l’Environnement (LAQUE) de l’UniQ, créé en juin 1998 par le Professeur Evens Emmanuel, et qu’il a dirigé jusqu’au mois d’avril 2011, a fait un effort considérable pour maintenir l’équilibre de genre au sein de son personnel. En 2007, 50% des enseignants-chercheurs de ce laboratoire étaient de sexe féminin, sur le total des doctorants 60% étaient des femmes. Le sexe féminin était à 100% au niveau des agents techniques et administratifs. L’égalité était parfaite chez les assistants, soit 50% de femmes et 50% d’hommes. Sur l’ensemble du laboratoire (20 membres au total en 2007) 50% du personnel était représenté par des femmes et 50% par des hommes.

L’intégration de ce laboratoire dans des réseaux internationaux de recherche a conduit à la définition d’une politique de formation doctorale pour les enseignants et les diplômés du programme de formation en génie civil/option environnement de l’UniQ. L’effort de formation engagé au LAQUE et soutenu notamment par l’Université Quisqueya, l’AUF et l’Ambassade de France est considérable puisque les différents partenaires scientifiques ont décidé en 2003 de monter un « Master Recherche Ecotoxicologie, Environnement et Gestion des Eaux » qui est devenue une filière universitaire francophone.

De 2003 à 2009, cette filière a permis de former trois promotions d’étudiants (28, 17 et 16) grâce à un financement de l’AUF en 2006. De ceux-ci, 30% étaient des femmes et 80% avaient plus de 35 ans. Huit étudiants (dont 4 femmes et 4 hommes) ont poursuivi jusqu’au doctorat, soit en codirection, soit en cotutelle de thèse. Plusieurs publications scientifiques sont sorties dans des revues avec comité de lecture ; elles émanaient des activités de la filière et plusieurs étudiants du Master étant coauteurs de ces articles. Sur la base de ces actions, et avec la collaboration des doctorantes du LAQUE et d’autres chercheures haïtiennes, le Professeur Emmanuel a créé en novembre 2007 l’Association Haïtienne « Femmes, Science et Technologie » (AHFST). Le LAQUE et l’AHFST ont eu une publication conjointe qui a été classée à trois reprises d'avril à décembre 2009 parmi the Top 25 Hottest articles at Environment international :

Emmanuel, E., Pierre, M. G., & Perrodin, Y. (2009). Groundwater contamination by microbiological and chemical substances released from hospital wastewater: Health risk assessment for drinking water consumers. Environment international, 35 (4), 718-726. https://doi.org/10.1016/j.envint.2009.01.011

L’AHFST encourage la participation des femmes dans l’enseignement supérieur et la recherche scientifique et valorise la contribution des femmes dans les sciences. Sa mission première est de contribuer à la mise en place d’une culture scientifique et à l’adoption d’une politique pour les sciences en Haïti. Parce que la science a besoin des femmes, l’association a, dans un souci d’engagement partagé pour le succès commun, fait appel aux hommes et aux femmes scientifiques du pays et de la communauté scientifique internationale pour assurer la promotion de l’enseignement des sciences de la matière et de la vie chez les jeunes des deux sexes.

La création de l’AHFST, sa mission et ses objectifs trouvent leur émanation dans les grandes lignes du programme international « Femmes et Science » de l’UNESCO et de l’Oréal, avec l’utopie de voir un jour, dans les décennies à venir, une chercheuse haïtienne vivant et évoluant dans le système de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique en Haïti devenir la Lauréate pour les Amériques du prix L’Oréal-UNESCO pour les femmes et la science. Un tel objectif impose une nouvelle conception de la responsabilité collective, qui impose aux femmes scientifiques haïtiennes de se lancer dans la mission de sensibiliser les filles vers des filières scientifiques. C’est peut-être une autre façon pour les femmes-chercheuses de voir la notion du développement durable en Haïti.

Les fondateurs de l’AHFST ont retenu les filières scientifiques soutenues par le programme de l’Oréal-UNESCO pour constituer les divisions de ladite association. En effet, l’AHFST dispose de 3 divisions ainsi réparties :

  • Sciences de la Vie (biologie, biochimie, médecine, etc.),
  • Sciences de la matière et/ou exactes (physique, chimie, mathématiques, etc.),
  • Sciences appliquées (géologie, hydrologie, hydrogéologie, sciences de l’environnement, sciences de l’agriculture, sciences de l’ingénieur, etc.).

L’Association valorise périodiquement la contribution des femmes haïtiennes qui se sont distinguées par la qualité de leurs travaux scientifiques par la création du « Prix national Femmes, Science et Technologie ». L’AHFST décerne ce prix à une chercheure ou une professeure d’université haïtienne ou étrangère, ayant contribué au développement de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique en Haïti, tant par l’originalité de ses recherches personnelles que par son rayonnement national et international.

En 2020, l’AHFST s’est rangée à côté de l’Ecole doctorale « Société et Environnement pour participer à la création des « Prix Chercheurs Juniors féminin et masculin » de l’UniQ. Dans le cadre de ce Prix, la notion de Chercheurs Junior est attribuée à tout étudiant féminin et masculin des programmes de 2e et 3e cycles, affilié à un laboratoire de recherche de l’UniQ et qui, sous la direction de son directeur de recherche, valorise les résultats de ces travaux de recherche par une ou plusieurs publications internationales. Les indicateurs de performance retenus pour ce prix par la communauté scientifique internationale, à savoir sont :

  • L'affiliation du jeune chercheur dans les réseaux et bases de données académiques suivants : ORCID, Mendeley, Google Scholar, HAL, ResearchGate.
  • La mise à jour de ses informations personnelles dans ces bases de données.
  • Le nombre de publications internationales,
  • La disponibilité des publications du postulant sur les réseaux sociaux (Twitter, Linkedin, Facebook) et académiques (ResearchGate et Google Scholar).

La création du Prix « Chercheur Junior féminin et masculin de l’UniQ » introduit symboliquement dans la communauté universitaire la reconnaissance institutionnelle du travail scientifique d’un.e étudiant.e régulièrement inscrit.e dans les programmes de formation à et par la recherche de l’Université Quisqueya.

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