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Le "Jardin Royal des Plantes" de Port-au-Prince (1773 - 1915), un jardin botanique créé au temps de la colonie de Saint-Domingue.

La naissance des jardins botaniques en Europe

Le jardin botanique est le lieu de la classification des plantes. Cette approche de l'univers remonte à la Renaissance. Entre humanisme et universalisme, les jardins botaniques offrent une connaissance du monde végétal et remplissent une mission de conservation.

Les jardins des simples du Moyen-Âge rassemblant des collections de plantes médicinales étaient des terrains d’expérience et de recherche pour les moines. Les premières classifications des plantes cultivées à l’époque permirent les balbutiements de la nomenclature mise en place ensuite.

À la Renaissance, les nouvelles plantes introduites en Europe grâce à la découverte d’autres pays par les navigateurs et les caravanes commerciales devinrent un véritable sujet d’étude dans les universités. L’invention du jardin botanique se fit donc à cette époque grâce aux universités, en premier en Italie à Padoue (1543), puis à Pise et Florence (1545), et enfin à Bologne (1568). Ce dernier, ouvert à la visite dès sa création, rendit compte du grand intérêt porté par le public à ces végétaux venus d’ailleurs. En France, le premier jardin botanique rattaché à une université fut celui de Montpellier en 1593. Sa grande renommée ne se démentit pas pendant des siècles tant ses collections étaient, et sont encore aujourd’hui, très importantes. En 1619, un autre grand jardin vit le jour à Strasbourg, puis en 1635 le Jardin des Plantes fut créé à Paris. C’est au jardin botanique d’Amsterdam que Carl von Linné mit au point au XVIIIème siècle son système de classification des végétaux, dont nous avons conservé le principe d’identification des plantes par deux noms, l’un de genre et l’autre d’espèce.

À Port-au-Prince

C’est également au cours du XVIIIème siècle que Port-au-Prince a eu, à l'instar des autres grandes villes du monde, son jardin botanique. Créé en 1773, ce premier jardin eut une existence courte, il fut pratiquement fermé en 1785.

Situé entre les segments de rues actuellement dénommées Grand Rue, du Centre, Charéron et Carbone, ce Jardin, appelé "Jardin Royal des Plantes", fut aménagé par le naturaliste Thierry de Menonville qui en fut le premier directeur.

Le jardin était initialement prévu pour expérimenter et développer l'élevage des cochenilles dans les zones arides. Celles-ci devaient être alimentées à partir du nopal comme cela se pratiquait au Mexique pour la fabrication d'extraits tinctoriaux. Furent cultivés dans ce jardin : le vanillier, l'ipecacuanha, le jalap, le cotonnier de Vera-Cruz, le quinquina, etc.

Le site ayant été jugé peu approprié, le Jardin Royal des Plantes fut déplacé plus tard par le Docteur Joubert de la Motte, son second directeur, pour être relocalisé sur un carreau de terre environ entre le Palais du gouverneur et l'Hôpital militaire d'alors. Le site englobait approximativement l'hôpital des Forces Armées d'Haïti, le segment de la rue St-Honoré délimité par les rues Oswald Durand et Monseigneur Guilloux, une partie de l'hôpital de l'Université d'État d'Haïti incluant le nouvel édifice sis à l'angle Nord Ouest et le bloc opératoire.

Vers 1789, le nouveau Jardin Royal des Plantes comptait de nombreux spécimens précieux rapportés de pays tels que la Guyane, l'Inde, la Jamaïque et l'Ile Maurice. On y admirait le châtaignier de Virginie, le cirier de Louisiane, le jaca de l'Inde, le cèdre de la Havane, le palmier et le jasmin du Cap de Bonne Espérance, les rosiers de Chine, le cyperus d'Égypte (cf. photo), le riz du Bengale, le sagou, le thé vert, le litchi, l'indigo de Madagascar, la moutarde du Surinam, les épices de Cayenne et bien d'autres plantes exotiques.

Le nouveau Jardin Royal des Plantes constituait donc l’une des plus belles parures de Port-au-Prince. Malgré les rigueurs de la guerre de l'Indépendance et les débuts difficiles de la jeune Nation, ce jardin survivra.

Sous la présidence de Fabre Geffrard (1859-1867), il fut confié à Alexandre Droit, jardinier botaniste, pour sa réhabilitation. À cette époque, le jardin était géré par deux institutions : l'École Nationale de Médecine rattachée d'une part au Département de l'Institution Publique et relevant, d'autre part, du Département de la Guerre jouxtant le jardin. Ce dernier servait de laboratoire aux étudiants en médecine durant les cours pratiques de biologie végétale.

En 1878, le jardin botanique s'enrichit de 150 variétés de plantes nouvelles rapportées de l'étranger par le Docteur Jean Baptiste Dehoux, directeur de l'École Nationale de Médecine. Ce fut l'époque au cours de laquelle de très beaux spécimens de plantes ornementales, potagères et médicinales pouvaient y être contemplés. Il est même rapporté que des fleurs en provenance du jardin botanique étaient vendues au public jusque vers l'année 1913.

Au début de l'occupation américaine d'Haïti en 1915, le jardin botanique, bien que centenaire, fut complètement livré aux ronces et halliers lorsque disparurent les vestiges de l'ancien Hôpital colonial et les locaux délabrés de la première École de Médecine du pays.

Par insouciance ou ignorance, un jardin botanique si nécessaire disparaissait de la ville de Port-au-Prince, pourtant si peu pourvue en espaces verts.

Sources :

1) Moreau de St-Méry

2) "Port-au-Prince : Le passé, le présent et l'avenir des espaces verts et de ses jardins d'agrément", manuscrit de Joseph Wainwright, agronome haïtien (1990)

 ComUniQ (11 octobre 2021)

 


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